De Romanshorn à Arbon

20 11 2011

La Tsoumaz, 2 janvier 2012, 17h00

A la fin de mon tour de garde, je prends le train en partance pour Romanshorn, un village situé à une dizaine de kilomètres à l’est d’Arbon. La gare est située juste à côté du port de commerce. Grand mot pour ce port qui n’accueille plus qu’aujourd’hui les ferrys assurant la liaison entre la Suisse et Friedrischhaffen en Allemagne. Les vestiges d’une époque où les installations servaient encore au transport du frêt sont visibles, à l’instar de ces pieux dotés d’un système d’amortissement, ces grands entrepôts de briques ou ces voies ferrées longeant les quais. L’entrée du port est même indiquée par une grande tourelle qui pourrait parfaitement jouer le rôle d’un petit phare.

Longeant le quai j’arrive à un pittoresque port, où presque toutes les places sont vacantes. Seuls les canots à moteur possédant un faible tirant d’eau peuvent encore y être amarrés. La digue extérieure de protection est reliée à la terre par l’arche d’un petit pont qui n’enjambe qu’une allée de galets. Quittant ce gris paysage abandonné par le lac, je cherche un chemin pour accéder au sommet de la colline où s’élève une église fortifiée. Chemin faisant je tombe sur deux parchets de vignes, dont la majorité des feuilles brunissent à terre, alors que les autres, jaunes,  sont encore accrochées tant bien que mal au sarment. Si Arbon a su préservé son centre historique, il ne reste presque plus rien de la ville médiévale de Romanshorn, seul la chapelle construite au Xème siècle, maintes fois agrandies subsiste bordant une immense pelouse. En contrebas, où la ville plus récente s’est développée, une nouvelle église a été construite en pierre blanche au début du XXème siècle dans un style néo-roman. Le clocher, culminant à 70 mètres, domine un proche d’entrée dont la triple colonnade, les voutes et même la façade sont finement ciselées.

Bien que le ciel soit couvert et que le soleil ne darde ses rayons que par quelques petites trouées, les températures sont douces. Je décide de regagner Arbon en suivant le sentier pédestre serpentant à travers la campagne entre la rive et les chemins de fer. Le début n’a rien de pittoresque lorsque je longe le terrain vague où sont hivernés les voiliers, puis d’anciens ateliers mécaniques, maintenant abandonnés. Une fois éloigné, les charmes des rases campagnes se dévoilent. Les haies, où gazouillent les oiseaux, séparent prés et terrains en jachère. Arrivé à un petit village, je distingue ce qui ressemble au dôme d’un clocher derrière un rideau de peupliers dénudés. Je tenterais une première approche qui m’amène jusqu’à une petite rivière, ce qui s’avère être un manoir décrépi de couleur jaunâtre apparaît sur l’autre rive. Un petit détour me conduit jusqu’aux limites de la propriété où s’élève un mur d’enceinte fissuré. Par deux fois, un grillage rouillé de fer forgé barre l’accès à un jardin désordonné. Un lourd cadenas à clef et une grosse chaîne interdit l’entrée à tout individu. Les feuilles mortes jonchent le sol, les lierres ont envahi les platanes bordant une allée qui a disparu petit à petit, rongé chaque année par des hautes herbes. Je tournerais autour de la propriété à la recherche d’une porte dérobée ou d’un bout  de mur écroulé, mais sans succès.

Poursuivant mon, chemin, le sentier pédestre quitte la route principale qui s’enfonce dans les terres. Terre battue et gravillons remplacent le macadam, lorsque le sentier s’oriente vers le lac. Mais, arrivé à une cinquantaine de mètre, il continue à nouveau parallèlement à la rive. Je découvre alors une succession de petites propriétés privées contigües, qui face à une roselière, qui face à une grève. Toute ont comme point commun la présence d’une petite demeure : cabane sur pilotis, ancien hangar à bateau transformé, véritable petite maison de campagne, … J’y trouverais même une véritable grange valaisanne posée sur ses quatre assises de pierre  Un air de vacances se dégage de chacune d’elle. Au retour du beau-temps, le dépaysement doit être total. Elle me rappelle les Bachs en Nouvelle-Zélande. Après avoir traversé une dernière roselière, j’arrive dans les faubourgs d’Arbon.

La Tsoumaz, mercredi 4 janvier 11h30

Hors-saison, le musée communale n’est ouvert que le dimanche de 14h00 à 18h00. Hier, j’étais un peu dépité de ne pas avoir pu le visité, je profite d’y aller aujourd’hui, mon prochain tour de garde ne commençant qu’à minuit. Je découvre que l’histoire d’Arbon est vieille de plusieurs millénaires. Des fouilles ont révélés de nombreux vestiges de pilotis marquant l’emplacement d’un village lacustre. L’époque romaine vit la création d’une agglomération. La première attestation du nom « Arbor Felix », datant de 280 ap. J.C. corresponds à la construction d’un premier fort. A la chute de Rome, les lieux furent occupés par une communauté allemanne qui (re)découvrit les moines irlandais en 610. Peu après Gall fit construire un ermitage dans la forêt d’Arbon, où fut érigé plus tard le Couvent Saint-Gall. Le village continua de s’agrandir durant tout le Moyen-Âge et accueilli le siège des baillis de l’évêque de Constance.  Au XIII siècle, elle accéda au statut de ville et se vit doté d’un mur d’enceinte. Duran la fin du Moyen-Âge, l’artisanat et l’agriculture continua de se développer. Il faudra attendre le XVIIème, lorsque les commerçants de drap, fuyant la guerre des Souabes, s’y installèrent et firent prospérer le commerce entre la France et la Suisse. Aujourd’hui leur trace est des plus visibles car les belles demeures de la vieille ville leur appartinrent. La Révolution Française mit fin à cet âge d’or et ce n’est qu’au XIXe, avec l’implantation de la fabrique de machines Saurer et les grands ateliers de broderie Heine que Arbon revint sur le devant de la scène. De 1890 à 1910, la population grimpa de 2500 à 10000 habitants, travaillant pour la plupart dans la fabrique de camion-automobile d’Arbon. Cette riche histoire modela le paysage arbonais tel que je l’ai découvert et alimente aujourd’hui les diverses articles et vitrines du Musée d’Histoire. Parmi les petites anecdotes, j’ai découvert que Sauber, connu pour ses camions militaires, a dessiné et fabriqué des moteurs à réaction pour les avions, et qu’aujourd’hui la fabrique n’a pas complètement disparu, mais est connu sous le nom d’Iveco.

Artefacts néolithiques, cartes, serrures et ferronneries, modèles réduits du village lacustre, de la ville médiévale, ou de véhicules, le musée aborde toute l’histoire de la région. Le donjon lui-même n’est pas en reste. Chacun des étages froids et humides, à l’abri des larges murs, renferment de vieux objets de la ville usuelle. Dans les sous-sols sont présentés une ancienne carriole ayant appartenu au pompier, ainsi qu’une collection de conduits d’eau allant du tuyau romain en terre-cuite au canalisation moderne en polyéthylène pultrudé, ainsi que des canaux taillés dans des futs de bois. Aux étages supérieurs, de magnifiques photographies monochromes illustrent les relations d’Arbon avec le lac : deux retiennent particulièrement mon intention. La première représente le Lac de Constance complètement gelé, avec une colonne humaine reliant Arbon à Langenargen le 3 mars 1963. La deuxième a été prise lors d’une des nombreuses inondations de la ville, lorsque le niveau du Lac a atteint 5.65 mètres le 10 juillet 1999 (le record absolu date du 3 septembre 1980, avec  5.90 m). Je clos ici ce petit aparté culturel, qui coïncide avec la fin de l’après-midi. Bref, une fois dehors, l’obscurité ambiante me conduisit directement sur le chemin de l’abri PC.

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